dépotoir provisoire

"Nan mais vous avez réussi à conserver l'âme de cet endroit tu vois? Et ça, je trouve que c'est cool."

Jurgha, 77 ans, un des plus grands architectes finois, un des nombreux amis de mon mari, m'enlace un peu plus que de raison pour me dire au revoir au sortir de ce restaurant bon mais bon. Il relache son étreinte, se retourne vers Timothy et lui dit : "He's so handsome".

Objet, objet, je suis un objet. Un bel objet mais un objet.

J'ai préparé une quiche pour mon mari qui rentre tard du week-end anniversaire de son filleul.

Madame Perfect? Une quiche?

J'aperçois ma soeur et le père de mes futurs neveux au deuxième rang. J'avertis Timothy qui se lève et fait de grands gestes pour attirer leurs attentions. Je me recroqueville dans mon fauteuil. Ma soeur ne voit rien.

Le spectacle.

J'applaudis pour une fois, Timothy sourit, j'ai aimé le spectacle et c'est rare.
Ma soeur s'enfuit à peine la lumière revenue, je lui cours après, la rattrape.
"Oui très beau..Toi aussi tu as pleuré? haha frère-soeur haha famille tout ça...haha la mort haha mamie..." Timothy nous rejoint, le copain de Lolo aussi.

Ce bar ou tout le monde va après le spectacle, nous sommes les premiers. Nous nous retrouvons à la table centrale, l'emplacement le plus visible et le plus misérable. Je recommence à être mal à l'aise.
Ma soeur hurle dans une espèce de bonheur idiot : "Vous devez vous préparer pour deux déménagements. J'ai trouvé l'appart que je veux! C'est bon tu vas pouvoir reprendre le mien."
Blanc.
Je suis encore plus mal à l'aise. Je bafouille un "Ouais, faut que j'vois si je le reprends toujours ou si je reste chez Timothy" en faisant des signes chelous avec mes yeux

Timothy n'a pas compris le sens exact du hurlement de ma soeur. Il n'en retient que le hurlement.
Je commande à manger en remerciant le lunatisme et le mauvais français de celui qui reste toujours mon mari .

.... Je suis (snif), Mme Norman Maine"